Skateboard où vas-tu ?

30/08/2022

[Alors que Thionville a inauguré sa passerelle, à Rawdogs on rêve toujours d'ouvrir en grande pompe un Skatepark digne de ce nom.]

Certains crieront à l'enfer, d'autres à la malédiction, le fait est que la ligne d'horizon du skate en Moselle ne présage rien de fameux. À bien regarder les choses en face, le bilan de 6 années d'actions associatives au sein de Rawdogs est finalement assez mitigé. Ce n'est pas faute d'avoir nourri une mobilisation sans précédent en faveur du skate. Il n'y a qu'à décompter le nombre de sollicitations annuelles des communes du département (et au-delà) pour se faire une opinion.

Nous répondons depuis 2-3 ans à un nombre important d'initiations, nous participons à diverses manifestations où à chaque fois nous nous assurons de promouvoir le skate auprès des publics et principalement des plus jeunes. Nous organisons notre propre festival annuel à Thionville, bastion d'origine de l'association, tout ça grâce aux soutiens de personnes inestimables avec qui nous avons pu tisser des liens de confiance. Toutefois, cette inflation n'a pas engendré le résultat tant espéré, la création d'un skatepark sur le territoire adapté au besoin des riders. Sur ce point précis, la situation n'a pas bougé d'un iota. Le déficit d'équipements est le même depuis nos débuts. Or, ce n'est pas faute d'avoir essayé de jouer le rôle d'intermédiaire, d'avoir rencontré en long et en travers, d'avoir essayé la pédagogie auprès de responsables et d'élus, d'avoir présenté inlassablement dans ses grandes lignes un projet associatif dont on continue de croire fermement qu'il a tout pour réussir. 

Pour rappel ce projet, ce n'est ni plus ni moins que l'ouverture d'un espace inédit aux croisements des sports, des arts et des cultures urbaines sur notre territoire situé entre Metz et le Luxembourg. Un skatepark associatif couvert +++ en somme ouvert non seulement aux riders désireux de pratiquer et de transmettre aux plus jeunes mais également sur tout un vivier créatif partageant les mêmes valeurs, la même émulation spontanée et la même volonté commune de faire bouger les lignes. Nous avons toujours cru avec ardeur qu'il nous fallait ancrer le skate dans son histoire culturelle en insistant sur son appartenance à la grande famille des cultures urbaines et à son terreau d'origine ; la contre-culture américaine. Les riders ne sont pas des sportifs zélés, ils sont bien plus que ça en raison et au regard de cette histoire subversive. Cette idée a fait son chemin, mais il a fallu commencer par convaincre notre propre camp, encore trop enfermé dans les logiques de boutiquier, chacun défendant sa vision, sa pratique individuelle, niant parfois trop rapidement toute dimension collective qui pouvait donner lieu à une organisation. 

Et puis, les premiers freins ont commencé à devenir de vrais gros blocages, préciser le projet jusqu'à plus sens, détailler un budget prévisionnel, se projeter sur les modes de financement, spécifier les normes de sécurité avant toute chose, cette situation a commencé sérieusement à nous presser le citron au point de nous donner l'impression de tourner en rond, parce qu'en vérité y a pas de place pour nous. L'espoir déçu par l'échec et les fausses promesses plongent dans l'impuissance et le désarroi. Si ce projet peinait à convaincre, c'était précisément parce que personne n'en avait rien à carrer ce n'était qu'un projet de plus et à force de se contenter des miettes, on était devenu des "gagne-petit". 

Tout ça pourrait laisser sous-entendre que les auteurs de ses lignes sont quelques peu aigris, voire bougons dès qu'il s'agit de mettre sur la table le devenir du skate par chez nous... Mais l'aventure du DIY de Thionville a été une cure de jouvence salvatrice, un élan authentiquement vécu, une vérité vivante dans un monde à l'agonie. Le besoin urgent avait enfin débouché sur quelque chose. Le faire comme vérité de l'être. Et même si l'utopie urbaine a été aussi vive qu'éphémère, joyeuse malgré la défaite, elle aura eu le mérite de rappeler au combien le skate permet à la ville d'être un monde immédiatement plus habitable, où le plaisir quotidien reste essentiel. Et comme a dit un jour ce grand bonhomme de Marx : « être radical, c'est prendre les choses par la racine. Et la racine de l'homme, c'est l'homme lui-même. »

Mick